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La réduction des subventions étatiques nuisibles à l’environnement : une question de crédibilité politique !

  • Comment la transformation écologique de notre système économique est-elle réalisable ? Quels sont les mesures à prendre ?
  • Les règles (lois et interdictions), les mécanismes de marché et les incitations doivent-ils interagir, et dans ce cas, comment ?

 

Ces questions si essentielles marquent plus ou moins directement les discussions politiques en période de campagne électorale.

 

Le fait qu’il existe différents points de vue se reflète finalement aussi dans les différents programmes des partis.

 

Certains partis affirment ne pas vouloir tout soumettre au développement du marché (car celui-ci donne actuellement de mauvais signaux, notamment parce que les nuisances environnementales ne se reflètent pas dans les prix). En conséquence, outre les incitations financières, des règles plus strictes seraient également nécessaires de la part de l’État.

 

D’autres partis misent presque exclusivement sur une approche « pragmatique » fondée sur l’économie de marché au moyen de subventions publiques et sur la participation volontaire des acteurs.

 

Selon le Mouvement Ecologique et les scientifiques, l’expérience montre que le changement climatique, la pollution de l’environnement, les pollutions plastiques, la perte de la biodiversité, etc.  sont les conséquences d’une défaillance du marché et, compte tenu de la gravité de la crise du climat et de la biodiversité, le cadre politique doit être revu et renforcé en conséquence. En effet, la plage horaire ne permet pas de repousser davantage les décisions claires.

 

Miser uniquement sur le volontariat n’est donc pas, selon le Mouvement Ecologique, à la hauteur des énormes défis. Une politique de subvention pure ne mènera pas aux réorientations nécessaires car, entre autres, de fausses incitations financières continueront à être transmises. En outre, la question se pose de savoir comment les subventions croissantes promises seront financées.

 

Et se contenter d’encourager les comportements respectueux de l’environnement, sans interdire ou pénaliser financièrement les comportements particulièrement polluants, est un non-sens ! La transformation durable d’une suite de domaines d’action de la société s’en trouve en effet retardée, si toutefois elle devait se produire.

 

Compte tenu des discussions parfois très dynamiques autour de ces questions, il est étonnant qu’un autre aspect soit totalement ignoré : à savoir la gestion actuelle des subventions publiques, qui contribuent en partie à la crise du climat et de la biodiversité avec des fonds publics et qui sont en contradiction avec les objectifs (environnementaux) reconnus.

 

Il devrait pourtant y avoir un accord très étendu sur le fait que

  • d’une part, l’État doit enfin fixer des priorités quant à l’investissement de ses (nos) fonds – du point de vue de la durabilité – et quant à la façon de le différencier et, d’autre part, il doit s’engager à respecter les principes du développement durable.
  • d’autre part, il faut en finir avec les investissements insouciants qui sont en contradiction avec les objectifs de la société, comme la protection du climat ou la sauvegarde de la biodiversité.

Les économies réalisées peuvent alors être investies de manière beaucoup plus ciblée dans la transition écologique nécessaire.

 

Un certain nombre de pays se sont lancé dans cette direction et se sont penché sur les subventions contre-productives du point de vue du développement durable dans leur budget, parfois dans le cadre d’analyses dites de « budget vert » (*). Les résultats sont remarquables :

 

  • En 2021 déjà, l’Office fédéral de l’environnement (UBA) en Allemagne a publié une étude très sérieuse. Il en résulte que, selon les estimations, 65,4 milliards d’euros de subventions nuisibles à l’environnement et au climat ont été accordés en 2018 ! Ce sont surtout les dépenses de l’État fédéral qui ont été prises en compte. Si l’on avait pris en compte celles des « Länder » et des communes, la somme serait encore bien plus élevée.
  • Suite à une demande du WWF, le WIFO 2021 a réalisé une analyse similaire des « subventions anti-climatiques » en Autriche, à la demande du ministère de l’Environnement. Celles-ci s’élevaient ces dernières années à 4 à 5,7 milliards d’euros par an.
  • La situation est similaire en France. La deuxième analyse du « budget vert » a révélé un montant de 4,5 milliards en 2022.

 

  • De leur côté, en Suisse, l’Institut fédéral de recherche WSL et l’Académie suisse des sciences naturelles ont publié en 2021 une vaste étude sur les subventions nuisibles à la biodiversité du pays. La définition des « subventions nuisibles à la biodiversité » est intéressante à cet égard : « Les subventions nuisibles à la biodiversité favorisent la production ou la consommation et augmentent ainsi la consommation de ressources naturelles. Elles entraînent la pollution, la dégradation et la perte des habitats et des espèces qui y vivent, ainsi que de leur diversité ». Ils ont ainsi identifié 162 subventions nuisibles à la biodiversité dans huit domaines (transport, agriculture, sylviculture, énergie, urbanisation, tourisme, assainissement, protection contre les inondations). Selon les auteurs, le montant annuel de ces subventions et incitations néfastes s’élève à au moins 40 milliards de francs suisses.

 

  • De nombreux autres pays ont adopté le système du « budget vert », comme l’Italie, l’Irlande et le Danemark.

 

Bien que l’élaboration d’une analyse des subventions publiques ayant un impact négatif sur l’environnement pour le Luxembourg ait été prévue dans les accords de coalition des 3 derniers gouvernements (!), il n’existe toujours pas de données pour le Luxembourg, et encore moins de propositions concrètes pour la suppression ou la transformation de ces subventions. Le Luxembourg ne s’est pas non plus engagé à ce jour en faveur d’un « budget vert » ou ne réalise pas un tel budget. La transparence budgétaire du point de vue de la durabilité est par conséquent inexistante.

 

La manière dont l’État perçoit les mesures est une question essentielle dans un microclimat politique comme celui du Luxembourg. La base doit être une transparence maximale de la politique de subventions, qui devrait être établie par des experts indépendants. La mise en œuvre des connaissances ainsi acquises exigera en fin de compte à la fois du courage politique et de la persévérance, mais contribuera à donner au nouveau gouvernement une image convaincante en matière de politique environnementale.

 

Dans un contexte de décision politique, les aspects sociaux doivent bien entendu être pris en compte.

 

Afin de réaffirmer l’importance de cette mesure, le Mouvement Ecologique a chargé le FÖS (Forum Ökologisch-Soziale Marktwirtschaft) de réaliser une telle analyse succincte sur le sujet.

 

L’objectif est de présenter de manière exemplaire les premiers éléments qu’un rapport complet sur les subventions devrait contenir du point de vue de la durabilité du nouveau gouvernement. Le prochain gouvernement doit agir sans tarder !

 

C’est en fin de compte une question de crédibilité politique en matière de politique environnementale et de durabilité… !

 

Mouvement Ecologique asbl.

13.09.23

 

(*) Dans le cadre du « Green budget », on procède d’abord à une analyse de l’impact du budget en termes d’écologie, puis, dans un deuxième temps, on évalue la cohérence de ce budget par rapport aux engagements/objectifs nationaux et internationaux.

 

Remarque : Fiscalité des produits d’origine animale

L’analyse du FÖS souligne la question du niveau de TVA sur les produits d’origine animale et le fait que ceux-ci bénéficient actuellement d’un taux d’imposition réduit. Il est notamment fait référence aux problèmes liés à la consommation de viande (du point de vue de la santé et de la protection du climat).
Le Mouvement Ecologique est conscient de l’importance de la production de viande et de lait pour l’agriculture de ce pays. L’argument selon lequel une augmentation des prix alimentaires serait par ailleurs problématique du point de vue social est à l’heure actuelle également évident.

Il est toutefois important de laisser aux auteurs d’un rapport succinct sur un tel thème complexe la liberté de formuler leur appréciation de la situation sur la base de leur analyse professionnelle en se référant e.a. à des publications scientifiques reconnues.
Le Mouvement Ecologique n’en déduit a priori pas la revendication d’une augmentation (indifférenciée) de la TVA sur la viande au Luxembourg. Cependant, le débat sur la consommation excessive actuelle de viande doit toutefois être lancé.

L’objectif primaire de l’analyse et du Mouvement Ecologique est de créer une première base afin d’initier un processus de discussion dans la connaissance des différents arguments.