Arrêter l’accord de libre-échange néfaste entre l’Union européenne et les pays du Mercosur

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Lettre ouverte à

  • Monsieur le Ministre d’Etat Luc Frieden
  • Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et européennes, de la Défense, de la Coopération et du Commerce extérieur Xavier Bettel
  • Monsieur le Ministre de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité Serge Wilmes
  • Madame la Ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Viticulture Martine Hansen
  • Aux députées européennes et députés européens

 

Dans un contexte de remise en question de nombreux systèmes de coopération internationale et de fragilisation d’institutions – qui ont pourtant contribué à un monde plus pacifique – il est important de continuer à s’investir pour nouer des liens entre pays, populations et économies.

Néanmoins, cette démarche ne doit pas se faire « à tout prix » et en induisant des conséquences sociales, environnementales et économiques néfastes : accélération du changement climatique, perte de la biodiversité, précarité et injustice.

 

Gains économiques fortement limités

L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur apporterait des gains économiques très limités selon les experts internationaux tandis qu’il engendrerait des impacts négatifs considérables des deux côtés de l’Atlantique. Dans le Sud global, la surproduction issue de monocultures de rente (soja, canne à sucre, viande, …) se développe en fragilisant les filières vivriéres portées par des exploitations familiales sur base de déforestations et d’utilisation massive de produits phytosanitaires – dont une grande partie est importée de l’Europe et comprend des références qui sont interdites dans l’UE.

 

Exploitations agricoles familiales sous pression

En Europe, ce sont également les exploitations agricoles familiales qui sont fragilisées et exposées aux conséquences négatives d’un tel accord. L’importation de produits agricoles traités avec des pesticides interdits ou basés sur des techniques génétiques représente des risques sanitaires. En l’absence de règles de traçabilité claires, la satisfaction des critères de qualité ne peut être garantie aux consommateurs européens.

 

L’accord entre l’UE et le Mercosur : une nouvelle forme de colonialisme

L’accord UE-Mercosur continue aussi à consolider une logique hiérarchique entre les pays, avec d’un côté des puissances industrielles (automobile, chimie,..) et de l’autre des pays dont les économies basées sur l’agriculture subiront l’exploitation accrue de ressources naturelles non-renouvelables. L’accord contribue à creuser les inégalités et ne contribue pas au développement d’un monde plus équitable et plus durable.

 

Un projet aux dépens des forêts – et particulièrement de l’Amazonie

Au milieu des actuelles vagues de chaleur extrême, nous tenons à rappeler que le monde et en particulier l’Europe doit exploiter toutes les possibilités pour lutter contre la crise climatique. La protection des forêts notamment, en particulier de l’Amazonie, doit devenir une priorité globale. Or, cet accord est contraire aux engagements climatiques de l’UE : l’augmentation de la déforestation en raison de l’accroissement des volumes commerciaux agricoles qui y sont liés entraînera l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

 

Un affront avec des conséquences terribles sur les peuples autochtones et les communautés locales

L’accord ne prévoit pas une protection adéquate des droits des peuples autochtones et des communautés locales (IPLC) et ne les protège pas contre l’accaparement des terres et les expulsions. Au lieu du droit internationalement reconnu au « consentement libre, préalable et éclairé » (CLIP), le texte de l’accord UE-Mercosur utilise l’expression « consentement préalable en connaissance de cause » (qui implique que le consentement peut être obtenu par la contrainte et l’intimidation) et limite la portée de cette protection déjà restreinte à l’utilisation des forêts, sans tenir compte d’autres terres et écosystèmes.

 

Un risque de la politique de protection de l’écologie et du consommateur

Enfin, le texte convenu introduit une nouvelle voie de recours – le « rebalancing mechanism » (mécanisme de compensation) – qui pourrait compromettre le règlement européen contre la déforestation (EUDR), une série d’autres législations européennes existantes et, au-delà, l’autonomie des législateurs de l’UE et du Mercosur pour adopter à l’avenir des lois sur des questions sociales et environnementales. Si ces lois sont considérées comme portant atteinte aux avantages que les entreprises attendent de l’accord, des demandes de « compensation » se feront entendre. Cela pourrait conduire à un « frein réglementaire », similaire à celui de l’ISDS.

 

Conclusion : Non au traité EU Mercosur !

Après plus d’une vingtaine d’années de négociations, cet accord paraît aujourd’hui en décalage par rapport aux enjeux du 21e siècle. Ayant peu de chances d’être ratifié dans l’état actuel au vu des nombreux problèmes cités ci-dessus, des tentatives émergent pour arriver au but « coûte que coûte » en scindant l’accord.

En contournant les parlements des Etats membres avec une ratification au Parlement européen représente une grave atteinte aux principes démocratiques fondamentaux – risquant d’alimenter davantage les camps des extrêmes en décrédibilisant les institutions européennes.

Dans le temps, l’accord était hautement contesté au vu de la politique de l’ancien président brésilien Bolsonaro. À l’époque, l’Europe s’était interdit de continuer à négocier avec des Etats, dont la politique était incompatible avec celle de l’Union européenne. Les considérations géopolitiques actuelles ne peuvent pas être une justification pour abandonner cette position, notamment face à des dirigeants comme le président argentin Milei et ses orientations fort discutables.

Au regard de ces considérations, Monsieur le Ministre d’Etat, Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, Monsieur le Ministre de l’Environnement, Madame la Ministre de l’Agriculture, Madame, Monsieur le Député, nous vous prions de maintenir une position forte en faveur des standards de qualité et de santé, des exploitations agricoles familiales et du développement durable et équitable – en vous opposant à cet accord et aux démarches de « splitting » de sa ratification.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre d’Etat, Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, Monsieur le Ministre de l’Environnement, Madame la Ministre de l’Agriculture, Madame, Monsieur le Député, l’expression de notre très haute considération.

 

Luxembourg, le 9 juillet 2025

 

Action Solidarité Tiers Monde (ASTM)

Forum politique du Cercle de Coopération des ONGD du Luxembourg

Greenpeace Luxembourg

Mouvement Ecologique

 

 

Cliquez ici pour accéder à la conférence « Les conséquences fatales d’un accord entre l’UE et le MERCOSUR » du Prof. Dr Antônio Inácio Andrioli.