• Print Friendly


Liberté d’accès à l’information: le Luxembourg a besoin d’une loi moderne!

Download(s)

Annoncée depuis belle lurette, le ministre d’Etat a déposé à la Chambre des députés il y a quelques semaines seulement le projet de loi portant introduction d’un droit à l’information renforcé dont devront jouir les citoyen(ne)s dans un proche avenir.  Alors que le gouvernement a longtemps enfoui dans les tiroirs un projet de loi qui date pourtant de l’an 2000 (!) et qui fût déposé à l’époque par Alex Bodry, on ne peut que saluer qu’un projet de loi ait finalement été déposé.

De la politique d’information pour le moins controversée dont le gouvernement a fait preuve dans le dossier « Livange » et dans bien d’autres dossiers plus récents encore, on ne peut en effet que tirer la seule et unique leçon (politique) : une politique qui se veut crédible et transparente présuppose une politique d’information vaste et honnête du citoyen.

Cependant, les citoyens qui s’attendaient à une percée dans la politique d’information au Luxembourg, ne peuvent qu’être déçus avec le projet de texte qui vient d’être déposé, un projet qui doit être qualifié d’être largement insatisfaisant.

Avec le projet de loi actuel on gagne l’impression que l’Etat en tant qu’institution veuille continuer à se fermer à tout modernisme et refuse de se muter en une structure qui s’avoue ouvertement et sans réserve en faveur de la transparence, qui prend les souhaits des citoyen(ne)s au sérieux et qui respecte les droits et les revendications légitimes de ces-derniers au libre accès à l’information.

Le titre conféré au projet de loi luxembourgeois est révélateur dans ce contexte; en effet, il reflète l’esprit qui se dégage du texte : « projet de loi relative à l’accès des citoyens aux documents détenus par l’administration ». Rappelons à titre de comparaison que les Américains parlent du « freedom of information act » – tout un monde qui sépare les deux appellations … et les deux philosophies qu’elles véhiculent.  

Le projet de texte accouché par le législateur luxembourgeois ne considère guère le citoyen comme partenaire, comme son égal, puisqu’il se borne à disposer sur le moment et la manière dont les informations « en possession de  l’administration » peuvent être consultées. Or, une loi qui veut répondre aux besoins et défis lancés par une société ouverte – du 21ème siècle (!) – doit édifier clairement dans quelle mesure et comment les citoyen(ne)s sont en droit de bénéficier de manière offensive d’une meilleure information de la part des instances publiques et ministres, « serviteurs » des citoyen(ne)s – à en croire le sens premier du terme. Une loi digne de cette société doit indiquer les voies à suivre pour collecter et dispenser une information complète et transparente sur les travaux menés par le gouvernement, pouvant encourager, à terme, la participation citoyenne. Et finalement, une telle loi doit établir des garanties pour que les citoyen(ne)s puissent enfin avoir connaissance de l’existence de certains documents.

La théorie reste un vœu pieux et – loin de vouloir tirer au clair quelle obligation d’information active  lui incombe – l’Etat, moyennant le texte dont il est l’auteur, semble partiellement vouloir pratiquer la politique de l’autruche, pour continuer à se protéger (et ses administrations et institutions) contre le danger des sollicitations « malséantes » et délicates pouvant émaner de la gente citoyenne.  

Cette impression se voit d’ailleurs renforcée par l’existence d’une longue liste d’exceptions qui, conformément au projet de loi, n’est point destinée à la divulgation publique. En outre, le fait que certaines dispositions particulières contiennent des formulations très vagues vient corroborer le soupçon que la décision d’ouvrir ou non l’accès aux informations continue à rester l’apanage des seules instances publiques. Comment interpréter sinon les dispositions globales qui, par exemple, font que l’Etat est en droit de refuser l’accès à des informations au motif qu’elles constitueraient « un obstacle à la capacité de l’Etat de mener sa politique économique et financière » ?  Bien que comprenant parfaitement la nécessité de garder certaines informations secrètes, il ne faut pas perdre de vue qu’il est indispensable d’édicter des critères clairs et précis pour régler d’éventuelles exceptions, qui peuvent faire l’objet d’un recours.

Pareille loi ne satisfait aux exigences de notre époque que dans la mesure où elle est assortie de moyens de recours simples, mis à disposition des citoyen(ne)s, lorsque ces derniers ne sont pas informés de manière adéquate ou qu’une information leur est carrément refusée. Ainsi, l’Union européenne dispose que, dans certains domaines, le recours doit être simple, rapide et abordable. Au lieu d’offrir la possibilité de recourir à la médiation – ou à une conciliation similaire – le projet de loi luxembourgeois contraint les citoyens qui s’estiment lésés d’engager une procédure auprès du tribunal administratif, un obstacle inutile, qui limite considérablement la portée d’une loi qui devrait pourtant être progressiste.  Si la volonté politique est d’instaurer le respect devant cette loi, alors il est incontournable de mettre en place une instance de médiation!

En conclusion:

Le projet de loi qui est sur la table requiert des modifications fondamentales si l’Etat luxembourgeois veut ouvrir la voie à une information ciblée et transparente du citoyen, et satisfaire aux exigences et défis d’une société ouverte du 21ème siècle. Au-delà, conférer des droits renforcés aux citoyen(ne)s contribuera à les motiver à s’intéresser aux questions sociétaires, à s’engager et à participer activement au processus de construction d’une société ouverte et responsable.

Le Mouvement Ecologique soumettra dans les semaines à venir une analyse détaillée du projet de loi dans l’espoir de susciter une réorientation fondamentale de la politique dans ce contexte.