Manifestation Stop TTIP : Mobilisation de masse contre les accords de libre-échange !
Discours André Roeltgen, aspects sociales
Discours Blanche Weber, démocratie
Discours Nico Hoffmann, protection du consommateur
Discours Jeanne Schossler, économie
Discours Martina Holbach, environnement
Discours Jean Feyder, géopolitique
C’est dans le cadre de la semaine de mobilisation internationale contre les traités de libre échange, du 10 au 17 octobre, que la Plateforme luxembourgeoise Stop TTIP et le collectif Stop Tafta Luxembourg ont organisé une manifestation contre les accords TTIP/TAFTA et CETA le samedi, 10 octobre. Cette manifestation non politique avait pour objectif de d’informer et de sensibiliser l’opinion publique sur les conséquences des accords TTIP et CETA sur la société.
Les organisations se félicitent de l’ampleur de la mobilisation, qui a réuni environ 2000 manifestants sur la place Clairefontaine le samedi dernier. Cette mobilisation massive témoigne des profondes inquiétudes des citoyens européens quant aux conséquences économiques, sociales, sanitaires, environnementales de la ratification d’un tel accord.
Résumé des principaux points
Des négociations qui échappent à toute participation et contrôle démocratique
Les organisations ont dénoncé l’approche résolument anti-démocratique dans laquelle sont menées les négociations de ces accords. Les négociations du TTIP, tout comme cela fut le cas pour le CETA, se déroulent en effet à huis clos, sans divulgation de ce qui se trouve précisément sur la table des négociations. La diffusion tardive de certains des éléments du mandat de négociation du TTIP, dont on ne connaîtrait d’ailleurs pas le mandat initial de la Commission européenne si le texte n’avait pas fuité dans les médias, constitue une atteinte fondamentale aux valeurs démocratiques de nos sociétés. De manière générale, ces négociations restent opaques pour la plupart des élus des Etats membres et du grand public, contrairement à ce qui a été affirmé par la Commission, alors même que ce traité engagera la vie économique et sociale de millions d’Européens à long terme.
La protection des investisseurs au détriment des citoyens
Ces accords renforceront considérablement le pouvoir des investisseurs au détriment de la souveraineté des Etats et des citoyens. TTIP et CETA prévoient un chapitre permettant aux entreprises d’introduire des demandes en réparation à l’encontre de pays membres, dès lors que ces investisseurs considèrent qu’une norme ou réglementation risque de nuire à leurs profits ; ils pourront ainsi entamer des procès aux sommes faramineuses à l’encontre des Etats.
Face à la montée des contestations, la Commission européenne veut désormais introduire un mécanisme « réformé » de règlement des différends entre investisseur et états dans le TTIP. Visant à rendre l’ISDS acceptable, les modifications de forme proposées aujourd’hui ne remettent pas en cause le système de justice au service des investisseurs. Elles ne s’appliquent par ailleurs pas au traité CETA, qui contient toujours l’ISDS dans sa forme initiale, sans mécanisme d’appel notamment.
Les parlements nationaux et les gouvernements n’ont pas été élus pour défendre les intérêts primaires des multinationales, mais pour agir en toute liberté au nom du bien de leurs concitoyens. Les droits des investisseurs ne peuvent en aucun cas primer sur le droit à réglementer des parlements !
Des « accords vivants »
Le TTIP est un « accord vivant », c’est-à-dire un accord dont on pourrait étendre les champs d’application sans avoir besoin de rouvrir les négociations et qui pourra continuer d’évoluer en même temps que les secteurs qui le concernent ou ceux qui pourraient être créés. Une fois l’accord voté, il deviendrait alors possible de remettre sur la table, plus discrètement et sans consultation publique, ni consultation du Parlement européen et des parlements nationaux, tout domaine ou point souhaité.
Le processus de ratification des accords
En ce qui concerne la procédure de ratification des accords CETA et TTIP : Il n’est toujours pas clair si ces accords seront des accords dits mixtes ou non, c’est-à-dire s’ils seront ratifiés par les parlements nationaux. Le cas échéant, les textes de ces accords seront soumis pour signature au Conseil des Ministres puis pour ratification au Parlement européen qui pourra, en bloc et sans modification possible, approuver ou rejeter le texte.
Concernant CETA :
- Le traité CETA couvre, sur des points essentiels, le même terrain que le TTIP et permettra, s’il est approuvé par le Parlement européen, aux entreprises multinationales américaines disposant de filiales au Canada de pénétrer le marché européen, indépendamment d’un accord sur le TTIP.
- Force est de rappeler que le Canada fait partie d’une zone de libre échange, l’Alena (Canada, Etats-Unis et Mexique) qui reprend les principes que les Etats-Unis appliquent à cette zone. En acceptant le CETA, on accepte de facto, en Europe, une grande partie de l’accord Alena ;
- L’accord CETA comprend un chapitre sur l’ISDS qui permettrait à des entreprises américaines, via leurs filiales canadiennes, d’attaquer l’Europe pour un «dommage» causé par l’instauration d’une règle, protectrice de l’intérêt général, qui viendrait entraver le gain potentiel d’une entreprise canadienne ou américaine ; c’est ledit« Treaty shopping ».
Un risque de nivellement vers le bas des normes sociales et des services publics
Les conventions fondamentales de l’OIT
Les Etats-Unis n’ont à ce jour ratifié que 14 conventions de l’OIT, dont 2 des 8 conventions fondamentales. Les conventions fondamentales sur la liberté syndicale, le travail forcé, sur le droit d’organisation de la négociation collective, n’ont ainsi pas été ratifiées par les Etats-Unis. Les Etats-membres de l’UE ont quant à eux ratifié en moyenne 80 conventions de l’OIT ; tous ont ratifié les 8 conventions fondamentales.
Risquer que ces droits fondamentaux puissent être remis en question en Europe est inacceptable.
Exclusion des services publics
Par le biais de ces accords, la marchandisation de services d’intérêt général tels que l’assurance maladie, l’approvisionnement en eau et les transports publics deviendront irréversibles. Les autorités publiques doivent avoir le droit, tout en respectant le principe de subsidiarité, d’organiser, de financer et de protéger leurs services publics.
La « coopération réglementaire » : une menace pour la démocratie et une tentative d’empêcher ou d’affaiblir les futures normes d’intérêt général en faveur des citoyens, des travailleurs, des consommateurs et de l’environnement.
Les organisations dénoncent ladite « coopération réglementaire » au sein des négociations du TTIP. Cette coopération réglementaire donnerait un pouvoir énorme à un petit groupe d’officiels non élus, leur permettant d’arrêter ou d’affaiblir les réglementations et les normes. Tout projet de loi ou de révision des normes dans un des 28 pays européens sera examiné par ce Conseil qui pourra le bloquer, et ce avant même que des institutions démocratiquement élues, comme les parlements, puissent avoir leur mot à dire.
Les risques pour les normes européennes sanitaires, environnementales et de bien-être animal
L’Union européenne et les États-Unis présentent de fortes différences de normes sanitaires, environnementales et de bien-être animal. Le risque est grand d’une harmonisation vers le bas :
- Le principe de précaution, non reconnu par les États-Unis, mais qui figure au contraire dans les traités européens : dans l’Union européenne, ceux qui souhaitent introduire de nouveaux produits ou procédés de fabrication doivent faire la preuve de l’absence de risque. S’il y a controverse scientifique, alors le principe de précaution peut s’appliquer. Au contraire, pour les États-Unis, il doit y avoir preuve de la nocivité de ces produits ou procédés, par exemple pour la santé humaine : la charge de la preuve est renversée.
- Dans l’UE, ce principe de précaution s’applique en particulier aux OGM : ils sont soumis à une procédure d’autorisation, avec une évaluation des risques obligatoire réalisée par la puissance publique. Mais, aux États-Unis, les produits OGM sont considérés comme « substantiellement équivalents » aux produits non OGM et ne requièrent pas d’évaluation de ce type. La liste des OGM autorisés à la culture, à l’élevage et à la consommation animale et humaine est ainsi sans commune mesure avec celle de l’UE.
- L’ensemble des règles visant l’information des consommateurs, par exemple celles relatives à l’origine des produits : Dans le secteur de l’alimentation, l’UE utilise le principe « de la ferme à l’assiette » qui impose des normes d’hygiène strictes pour chaque stade de la production, la transformation et la préparation des aliments pour la consommation. Aux États-Unis, il suffit d’appliquer des désinfectants en bout de chaîne pour pouvoir considérer le produit final comme propre à être consommé. Cette technique, qui est interdite dans l’UE, présente des risques sanitaires tout au long de la chaine.
- Les normes de produits sont souvent très différentes, par exemple pour les cosmétiques: l’UE interdit plus de 1300 produits chimiques dangereux, contre seulement 11 pour les USA. Le rapprochement des deux systèmes se ferait très probablement au détriment du consommateur européen.
- La vie privée et les échanges des données à caractère personnel sont beaucoup plus réglementés en Europe qu’aux États-Unis et une harmonisation risquerait fort d’affaiblir le niveau de protection européen.
- En ce qui concerne le volet agricole, les Etats Unis se distinguent par une production agroalimentaire largement industrialisée dans de grandes structures, au contraire de l’UE, qui fonctionne encore largement sur un modèle d’exploitation familiale. Ainsi en Europe, la surface exploitée par 13 millions d’agriculteurs est à peu près la même que celle exploitée par 750 000 d’agriculteurs aux Etats-Unis. Les multinationales comme Monsanto profiteront d’une agriculture de plus en plus industrialisée, marginalisant de ce fait les exploitations traditionnelles.
Un impact sur les pays tiers et les pays en développement
Le TTIP est explicitement annoncé comme visant à imposer au reste du monde des règles négociées entre les deux plus grands marchés du monde, règles qui ont pour beaucoup été refusées par les pays en développement dans le cadre de l’OMC (sur la libéralisation des marchés publics et des investissements notamment). Pour beaucoup de pays en développement, l’exportation de produits agricoles et de matières premières fait partie des sources de revenu les plus importantes. Si les Etats-Unis et l’UE se mettent d’accord pour réduire les tarifs douaniers sur les produits agricoles, les prix vont baisser. Les produits venant de pays tiers deviendront automatiquement moins compétitifs, ce qui aura un impact direct sur leurs producteurs.
Pour toutes ces raisons, les organisations membres de la Plateforme Stop TTIP et Stop Tafta Luxembourg demandent l’arrêt des négociations du traité transatlantique TTIP. Les négociations du TTIP ne peuvent continuer sur la base du mandat actuel.
La Plateforme Stop TTIP et Stop Tafta Luxembourg demandent au Gouvernement et à la classe politique luxembourgeoise un positionnement politique clair : Non au CETA. Ce texte de 1.600 pages, présenté comme à prendre ou à laisser, ne respecte pas les revendications minimales mises en avant dans les prises de position de la Plateforme Stop TTIP. Cet accord présente de ce fait une menace inacceptable pour les droits et la démocratie des citoyens européens. C’est pourquoi la Plateforme Stop TTIP appelle tous les responsables politiques luxembourgeois à refuser la signature et la ratification dans sa version actuelle du traité CETA, qui sera présenté aux gouvernements pour signature puis au Parlement européen pour ratification bien avant le TTIP, peut-être déjà dès fin 2015. Il faut que le CETA puisse aussi être présenté aux parlements des Etats-membres et qu’une mise en œuvre provisoire ne soit pas permise.
La Plateforme Stop TTIP et Stop Tafta Luxembourg exigent un processus profondément démocratique, une véritable transparence et un vrai débat public sur ces traités. Un travail démocratique sérieux nécessite des concertations régulières avec les parlements et la société civile, sur bases de textes de négociations précis partagés dans un calendrier adéquat et des études d’impacts concrètes de chaque mesure.