Mobilité
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Nouvelle stratégie globale pour une mobilité durable présentée par le ministère du Développement durable: Nouveau tigre de papier ou enfin du concret?

Le ministre Claude Wiseler a récemment présenté la nouvelle stratégie pour une mobilité durable (appelée „MoDu“), conçue par le ministère du Développement durable et des Infrastructures. A cet égard, le Mouvement Ecologique voudrait avancer la prise de position suivante en guise de première réaction:

Comparé aux précédentes stratégies présentées en matière de mobilité, il échet de noter que le concept „MoDu“ dévoile des innovations importantes, que le Mouvement Ecologique salue entièrement:

  • les annonces portant sur la solution souhaitable qu’est le „modal split“ – transport individuel motorisé/transport en commun et mobilité douce – peuvent être qualifiées de plus concrètes;
  • la stratégie présentée revêt une approche intégrative en matière de mobilité, ce qui signifie que les différents modes de transport sont combinés en chaînes de mobilité où chaque vecteur joue un rôle complémentaire de taille;
  • finalement, la nouvelle stratégie en matière de mobilité met en évidence le rôle primordial et la nécessité incontournable d’un tram moderne assorti de gares périphériques (train/tram/bus), véritable moteur d’un concept qui rendra l’urbanisation plus attractive et qui établira le transport sur rails comme L’élément porteur de tout un réseau public, tant au niveau national qu’au-delà de la frontière (Grande Région);
  • par rapport au plan directeur sectoriel „Transports“, le Mouvement Ecologique note une plus forte priorisation des projets d’infrastructure à entamer,
  • la mise en place d’une plateforme télématique est prévue.

Au vu de ce qui précède, le Mouvement Ecologique reconnaît à 100% que la nouvelle stratégie présentée pose une base propre à une planification qui se veut bien plus étoffée et réfléchie par rapport aux stratégies antérieures. Néanmoins, il faut dire que les stratégies des années précédentes contenaient elles-aussi des éléments tout à fait valables, mais qui en fin de compte n’étaient jamais pris en compte à leur juste valeur. C’est la raison pour laquelle le Mouvement Ecologique voudrait soumettre les critiques constructives suivantes:

  • Il est grand temps d’arrêter et de réaliser des mesures concrètes! Il est évident que toute pratique présuppose des concepts théoriques, mais: bon nombre de pistes visant l’amélioration de la mobilité actuelle sont connues depuis belle lurette et n’attendent que d’être transposées de manière conséquente! Cela va de la réorganisation du réseau d’autobus jusqu’à la conception d’idées pour améliorer la mobilité pour les entreprises en passant par une meilleure coordination des différents transporteurs publics. Arrêtons cette perte de temps inutile! Oui à une approche intégrative sensée. Non au déficit d’action actuel!
  • Pour avancer, il nous faut des priorités: s’il est vrai que le concept „MoDu“ fixe des priorités bien plus claires que certains projets antérieurs, il y a néanmoins lieu de douter que le pays dans son ensemble puisse organiser et surtout financer les projets d’infrastructure annoncés – du développement du réseau ferroviaire jusqu’aux nombreux projets de construction de routes. Il en résulte qu’il nous faut des priorités sensées, une vision à long terme! En effet, il échet d’arrêter et de transposer des mesures qui s’enchaînent à tous les niveaux de la planification – que ce soit à court, moyen ou long terme – et qui sont accompagnées d’un plan financier adapté aux différentes étapes, dans le but de donner enfin naissance à une mobilité améliorée et durable.
  • Quand nous parlons de „Luxembourg“, nous ne devons pas uniquement penser „Luxembourg-Ville“ – il échet de prendre en compte toutes les régions du pays! Or, le concept „MoDu“ pourchasse d’abord le but de voir le centre-ville soulagé en termes de trafic, les instruments prévus à cet effet étant au coeur de la stratégie présentée et développés de manière avancée. Alors que le besoin d’agir se fait sentir de manière tout aussi pressante dans les régions rurales. N’est-il pas du devoir des hommes politiques de notre pays de faire en sorte que l’ensemble des habitants puisse bénéficier d’une bonne offre en termes de mobilité ? – Ce qui revient à dire qu’il faudra arrêter – d’une manière généralisée – des offres minima en transports publics, pour que – à titre d’exemple – chaque contribuable puisse être en droit de recourir aux moyens de transport public en période normale, de pointe ou en week-end suivant un horaire donné.
  • Mettre davantage l’accent sur l’aménagement du territoire! Les statistiques sont claires: dans les années à venir, la population luxembourgeoise va continuer à s’accroître. Aussi de nouvelles communes ont-elles déjà fait l’objet d’un „classement prioritaire“ du point de vue logement. Il ne ressort cependant pas clairement du concept „MoDu“ si ce dernier tient suffisamment compte des incidences régionales que produiront ces aménagements futurs. Et qu’en est-il des plans sectoriels „transport“ et „mobilité“, ont-ils été considérés lors de la conception de „MoDu“!?
  • Garantir l’existence des ressources nécessaires: la transposition du concept „MoDu“ exige des ressources financières considérables dans le cadre d’une planification budgétaire pluriannuelle. Si les politiciens ne mettent pas enfin à disposition les fonds nécessaires à la réalisation du tram, des gares périphériques et des autres jonctions multimodales, le concept „MoDu“ souffrira le même sort que les projets présentés précédemment … et restera lettre morte. Sans parler des besoins en ressources humaines …
  • Inclure davantage la Grande Région: les initiatives indispensables et les potentiels liens de  coopération qu’il échet de nouer avec la Grande Région présupposent d’emblée une large intégration dans la conception d’une mobilité qui se veut tournée vers l’avenir: „MoDu“ ne donne point satisfaction à cet égard. Eriger des aires de stationnement Park & Ride dans le but de motiver le frontalier à basculer le plus tôt possible vers le transport public ne fait du sens que si ces aires se trouvent – par exemple – en région frontalière directe avec nos pays limitrophes. Le Mouvement Ecologique estime que les 3 aires P&R prévus dans le concept „MoDu“ posent problème à cet égard.
  • Donner priorité aux „mesures douces“: elles ne ressortent pas suffisamment dans le concept „MoDu“: optimisation de l’information, tarification transfrontalière, organisation de navettes directes vers les zones d’activités etc. sont le parent pauvre du projet.
  • Examiner d’un oeil critique les projets de construction de routes: „MoDu“ prévoit la construction d’un bon nombre de routes nouvelles ce qui est liée à des frais élevés. S’il est vrai qu’une légère optimisation du réseau routier puisse avantager le transport public, le Mouvement Ecologique est néanmoins d’avis qu’il est plus juteux d’optimiser d’abord l’offre en transports publics avant de soulager le réseau routier existant par des infrastructures nouvelles. Les sommes énormes que les députés ont coutume de (devoir) voter par tranches devraient nous donner matière à réflexion. En fin de compte, la frénésie de construction n’aboutira qu’au déplacement du trafic: cette leçon nous sera bel et bien donnée au Kirchberg après l’ouverture de la route du Nord…
  • Donner la parole au citoyen: on ne peut pas faire abstraction de l’opinion des usagers si l’on veut aboutir à une mobilité qui fonctionne. C’est la raison pour laquelle le Mouvement Ecologique s’attendait à une stratégie claire qui mettrait au coeur l’usager et qui s’assurerait de l’appui du client potentiel et existant dans le but de forger une planification profitable. Nous devons malheureusement constater que cette approche n’est même pas envisagée, ni thématisée, et qu’il n’y a aucun indice qui puisse révéler la manière suivant laquelle et l’endroit ou le moment où le contribuable aura son mot à dire…

Ce qui nous amène à la conclusion suivante:

Malgré que nous soyons en présence d’éléments qui puissent être qualifiés de positifs dans le cadre de la stratégie présentée, il échet de souligner une nouvelle fois que les usagers (potentiels) du transport public s’attendent à ce que des améliorations soient réalisées à court terme. Les faire patienter encore des années sous la pluie (ou en voiture) dans l’attente de LA „mobilité qui meut“ (ou au motif d’attendre à ce que soit accouchée une approche globale glorifiée) relève du cynisme.

L’observation des promesses proférées en relation avec la construction du tram (financement prioritaire, dépôt et vote du projet de loi en 2013) mettra la crédibilité du concept „MoDu“ à rude épreuve. S’il échoue, il finira tigre de papier … comme tant de prédécesseurs.