Economie
  • Print Friendly


La réforme fiscale du gouvernement: une chance manquée en termes de développement durable!

La réforme fiscale du gouvernement en place sera adoptée aujourd’hui mercredi à la Chambre des députés. Le Mouvement Ecologique est déçu quant au contenu de cette réforme qui représente à ses yeux une occasion manquée de rendre notre système fiscal vraiment plus durable et davantage tourné vers l’avenir.

C’est un fait bien établi que les impôts et taxes écologiques ne constituent que 5,25 % des recettes fiscales au Luxembourg, le facteur « capital » représentant 21,2 seulement. Par contre, les impôts sur salaires (facteur emploi) contribuent à raison de plus de 50% aux rentrées fiscales (données chiffrées datant de 2014) – et cette « réforme » est loin d’apporter une modification fondamentale!

Notre système fiscal continuera donc à générer de fausses incitations financières : comme par le passé, la consommation des ressources et la pollution seront avantagés (voire encouragés) fiscalement, le facteur emploi sera désavantagé.

Alors qu’une réforme fiscale axée sur le changement de ces inégalités – dans le sens d’une écologie renforcée, d’une politique sociale plus approfondie ainsi que d’une incitation à la création d’un modèle économique plus durable –  aurait été indispensable (ce qui serait d’ailleurs aussi dans le sens des normes de l’accord de coalition*).

La réforme renferme certes quelques rares dispositions qui vont dans la bonne direction, comme notamment certaines corrections apportées à l’imposition des voitures de service. Toujours est-il que ces corrections ne vont pas assez loin, puisque les voitures diesel e.a. ne sont toujours pas taxées suffisamment (seuls les véhicules de service ayant un moteur diesel émettant plus de 150g CO2/km seront davantage grevés fiscalement à partir de 2017). La même chose vaut pour les moteurs à essence, où les taxes sur les voitures de service n’augmentent qu’à partir d’une émission de CO2 de 150g/km, ce qui ne répond en rien aux possibilités techniques.

C’est la raison pour laquelle la réforme fiscale est également en contradiction avec l’étude Rifkin ainsi qu’avec l’étude réalisée sur le tourisme à la pompe au Luxembourg. L’étude Rifkin met le focus sur l’indispensable renversement des tendances dans le domaine de la mobilité, ce qui présuppose une certaine transparence des prix. L’étude sur la consommation de carburant, pour sa part, retient sans tergiverser que les accises sur le carburant (diesel) au Luxembourg sont trop faibles.

Dans ce contexte, il est regrettable, du point de vue social, que les voitures électriques, les pedelecs et les vélos puissent seulement profiter d’un abattement fiscal et non d’un subventionnement direct. Les ménages à revenus plus faibles seront ainsi désavantagés, puisqu’ils ne sont pas bénéficiaires du système de l’abattement fiscal.

Nous pourrions continuer à lister des exemples: le fioul échappe toujours à une taxation renforcée (à échelle européenne, le Luxembourg figure parmi les pays qui maintiennent un taux des plus faibles sur le fioul); la réforme passe outre l’objectif d’une réduction des pesticides au moyen d’une plus forte taxation, tel que prévu par le plan d’action national y relatif. Le gouvernement ne s’est pas non plus penché suffisamment sur l’allégement, respectivement le subventionnement parallèle des facteurs désirables. Une plus forte promotion des matériaux de construction écologiques, des énergies renouvelables, des assainissements de bâtiments existants (e.a. en relation avec la dite « Klimabank/banque climatique » en projet) ainsi que du subventionnement particulier des personnes à faibles revenus, respectivement des logements locatifs, sont pourtant des facteurs qui s’imposent!

Aussi – respectivement en conséquence logique du processus Rifkin et du débat sur la croissance sélective ou qualitative – le gouvernement a-t-il omis de réfléchir sur un allégement fiscal de certains services/biens souhaitables (dans le sens de la branche prometteuse du « bien commun » qui fut esquissé), tels les travaux de réparation et autres, effectués dans l’intérêt général.

Le Mouvement Ecologique regrette qu’avec la réforme fiscale qui est sur la table, le gouvernement ne tienne pas (respectivement pas suffisamment) compte de ses propres objectifs, des résultats centraux de l’étude Rifkin, des conclusions de l’étude sur le tourisme à la pompe ainsi que des directives retenues dans l’accord sur le climat.

Or, le gouvernement dispose encore de 18 mois afin d’apporter à la réforme fiscale les corrections qui s’imposent du point de vue du développement durable. Ou bien le gouvernement préfère-t-il confier cette tâche à celui qui suivra? Si tel était le cas, alors il devrait faire preuve de courage et l’admettre ouvertement, respectivement réaliser au moins les travaux préparatifs qui sont nécessaires pour ouvrir la voie à une réforme fiscale durable digne de ce nom!

Mouvement Ecologique asbl.

 

(*) „Le Gouvernement s’engage à étudier dans le cadre de la réforme fiscale les incidences des subsides et taxes sur les objectifs du développement durable. Les résultats de ces analyses vont également alimenter la réforme fiscale à travers laquelle le Gouvernement compte assurer la stabilité et la durabilité des finances publiques et utiliser de façon plus équitable les ressources sociales et écologiques aux objectifs économiques.“