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Projet de plan de gestion des eaux pour les années 2015-2021: véritable déclaration en faillite de la politique luxembourgeoise en matière d’eau!

A l’heure actuelle, dans le contexte de la directive-cadre européenne sur l’eau de 2000, la procédure officielle sur le deuxième plan de gestion en matière de gestion de l’eau au Luxembourg suit son cours. Ce plan de gestion revêt une importance capitale, puisque son rôle est de déterminer les règles d’amélioration de la qualité de l’eau dans le but d’atteindre « un bon état écologique et chimique » des eaux au Luxembourg.

Ce plan est en l’occurrence bien plus qu’un simple devoir qu’il faut remettre à Bruxelles. Bien au contraire: c’est un document stratégique hautement important qui est censé guider la politique de gestion de l’eau du gouvernement dans les 5 années à venir.

Qu’il faut impérativement agir au Luxembourg a d’ailleurs été ouvertement retenu dans le projet de plan de gestion qui est sur la table. Cette façon honnête de dire les choses est assurément un point positif du projet. Pour ne citer qu’un exemple, le texte évoque clairement que, sur les 102 eaux de surface naturelles seules 2 se trouvent dans un état biologique qu’on peut qualifier de bon et que l’ensemble des 102 eaux accusent un état chimique mauvais.

L’eau figure parmi les biens fondamentaux les plus importants pour l’Homme, ce qui porte à croire qu’il fallait légitimement s’attendre à ce que le nouveau plan de gestion de l’eau prenne enfin le problème de nos eaux en mains. Malheureusement, il n’en est pas ainsi. Tout au contraire!

Indépendamment des aspects plus formels – le manque de lisibilité flagrant du document, l’absence d’un résumé compréhensible (dépourvu de termes techniques) à l’attention de „l’homme de la rue“, le transfert des affirmations importantes vers les annexes illisibles (catalogue des mesures) pour ne mentionner que ceux-là – le texte s’avère extrêmement insatisfaisant surtout du point de vue stratégique et en ce qui concerne son contenu. Cette débâcle se résume en une seule phrase: pour ce qui est de savoir dans quelle mesure le plan apportera des améliorations, les responsables pêchent en eaux troubles. Pire encore, puisqu’ils partent du principe que le plan ne contribuera que très faiblement à une réelle amélioration de la qualité de l’eau.

En effet, le plus grand déficit du projet de plan est sans conteste qu’il manque presque complètement son véritable but: il ne dicte ni objectifs concrets à atteindre, ni mesures ou instruments concrets qui permettent d’atteindre ces objectifs essentiels. Il faut bien se rendre à l’évidence: nous sommes en présence d’un document fort de 298 pages et 21 annexes, qui n’arrive néanmoins pas à traiter le problème de manière satisfaisante. Le présent projet de plan de gestion ne représente en rien une stratégie pour la future gestion de l’eau! Cet indéniable fait est admis en toute franchise par les auteurs du projet de texte: le tableau qui résume si les mesures annoncées aboutiront au résultat escompté ou non est parsemé de points d’interrogation!

On pourrait facilement continuer dans la liste des déficits: des documents centraux qui auraient dû servir de base, comme p.ex. l’évaluation environnementale stratégique, font défaut. Cette absence de données centrales n’est d’ailleurs cachée à aucun moment, cependant il n’est pas pour autant précisé quand et comment ces manques seront épongés.  Ne prenons que l’affirmation suivante, qui prend une signification symbolique: „Quant aux sources d’apport diffuses provenant de produits phytosanitaires, métaux lourds et autres matières dangereuses, nous ne disposons à l’heure actuelle d’aucune estimation y relative. Dans le futur, d’autres travaux sont également prévus à cet égard.“

Au-delà, il est retenu ouvertement que déjà la transposition du premier plan de gestion était peu réussie. Mais l’“analyse“ s’arrête là. Ni les causes, ni les conséquences à en tirer ne sont exposées, alors que cela aurait été bénéfique. Quelle attitude bornée et stupide que de concevoir toujours de nouveaux plans qui ne sont pas transposés par la suite. Il faut analyser en toute franchise les raisons de l’échec. Le texte est un indice révélateur d’un important problème de gouvernance!!

Le fait que des aspects importants comme l’agriculture, la croissance de la population et le développement urbain, le changement climatique et les pollutions causées par les industries, ne soient évoqués que de manière superficielle alors qu’ils revêtent une importance cruciale, s’avère tout aussi dramatique.

Au vu de ce qui précède, une réorientation – dans la mesure du possible – s’impose de toute urgence. Ce qui signifie aux yeux du Mouvement Ecologique qu’il faut:

  • faire de la politique de gestion de l’eau une priorité absolue, et au sein du ministère du Développement durable, et à l’échelle du gouvernement. L’importance politique doit être renforcée et il appartient aux politiciens de définir des objectifs clairs;
  • améliorer les structures. Le transfert de l’administration de la gestion de l’eau du ministère de l’intérieur vers le ministère du Développement durable fût certes une décision plein de sens et les premières réformes au niveau de l’administration s’annoncent tout à fait positives. Mais: le ministère doit davantage assurer le leadership politique! Les effectifs doivent être renforcés et réorganisés en partie;

Le ministère pourrait effectivement aussi utiliser les déficits du présent projet de plan de gestion pour faire la pression au niveau du gouvernement, pour que ce dernier reconnaisse la nécessité de renforcer davantage l’administration (et le ministère). Aussi, un partage clair et cohérent des rôles des différents acteurs est-il indispensable (p.ex. partage des compétences entre acteurs communaux, régionaux et nationaux)!

  • Le présent projet du deuxième plan de gestion de l’eau doit être amendé à des endroits cruciaux (notamment par une analyse cohérente des problèmes qui ont conduit aux graves déficits de transposition du premier plan; par la fixation d’un planning strict qui précisera le délai de livraison contraignant pour chaque donnée manquante (délai de publication inclus); par la fixation d’objectifs clairs et non équivoques soumis à des échéances concrètes, valant pour l’ensemble des ministères; par la libération des budgets adéquats; par le règlement aussi de problèmes délicats (comme notamment la protection des eaux dans le cadre du plan de développement rural, du plan d’action pesticides)).

Il reste à espérer que les graves déficits accusés dans le cadre de la politique de l’eau entraînent finalement une réorientation et que le 2ème cycle de gestion s’étendant de 2015 à 2021 sera mis à profit pour développer une stratégie cohérente qui permettra de s’approcher au moins des objectifs posés par la directive-cadre sur l’eau.