Protection de la nature Agriculture et Sylviculture
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Le nouveau programme de développement rural (PDR) du Grand-Duché de Luxembourg: poser les jalons d’une agriculture durable orientée vers l’avenir!

Remarque préliminaire : Cette prise de position se base sur les informations qui sont disponibles à l’heure actuelle sur le nouveau PDR

Le Mouvement Ecologique est intimement convaincu qu’une importance cruciale revient au cadre financier du plan de développement rural dans le contexte défini par l’UE respectivement par le budget national, et doit permettre

  • d’une part, à consolider, resp. renforcer les exploitations agricoles de taille moyenne surtout et à garantir la fabrication de produits de qualité et
  • d’autre part, à mettre en œuvre  les obligations des pouvoirs publics(découlant notamment des directives européennes), dans le contexte du développement rural en général ainsi que de la préservation et du rétablissement de la biodiversité et de la protection de l’eau potable en particulier.

Cette doublefinalité requiert la fixation d’objectifs clairs et de priorités financières qui prennent en considération les intérêts du secteur agricole et qui ne vont pas à l’encontre du bien-être commun Pour y arriver, il est indispensable de mettre en place un processus de discussions structurées de manière transparente, qui repose sur des faits, dans un cadre réunissant l’ensemble des acteurs concernés –  tel qu’il est d’ailleurs exigé par l’UE.

Si nous analysons de manière critique le précédent programme de développement rural du Grand-Duché de Luxembourg, nous constatons que

  • nous sommes en présence d’un nombre insuffisant de critères d’éligibilité liés à des priorités, respectivement des incitations (cfr l’analyse de la Cour des comptes européenne);
  • comparé aux régions limitrophes, un pourcentage bien plus important des aides à l’investissement qui sont mises à disposition est absorbé par les investissement (bâtiments agricoles ,machines…);
  • les subventions se focalisent sur les exploitations de taille importante;
  • l’orientation de ce qu’on appelle « indemnité de compensation » (93% de la surface utile agricole sont classés terrains désavantagés au Luxembourg) n’a pas insufflé une dynamique nouvelle ;
  •  la « prime à l’entretien du paysage et de l’espace naturel » (allouée à environ 96% des exploitations) a certes eu des effets bénéfiques sur la protection de l’eau et des sols, or, son effet sur la biodiversité reste plutôt limité;
  • l’équilibre entre mesures de modernisation d’un côté et développement de la zone rurale de l’autre côté, fait défaut;
  • comparé aux régions limitrophes, l’agriculture biologique est toujours le parent pauvre au Luxembourg.

Au vu:

  • des ressources en eau dont la qualité est souvent mauvaise (fait bien établi),
  • de la disparition d’espèces et d’une perte de la biodiversité qui sont établies scientifiquement (et dont la principale cause réside dans l’agriculture – selon le rapport de « l’Observatoire de l’environnement naturel »),
  • de la demande renforcée en produits alimentaires régionaux et respectueux des animaux de la part des consommateurs,

le Mouvement Ecologique propose une série d’adaptations et de compléments concrets à apporter à l’actuelle mouture du projet de PDR, à savoir:

1.       la création d’offres de conseil intégrées et “à guichet unique” pour les exploitants agricoles (à l’instar du “plan d’action agro-environnemental en Wallonie”);

2.       un investissement renforcé dans les services et les ressources humaines; des aides à l’investissement axées sur les petites et moyennes exploitations ainsi que sur les exploitations à temps partiel (avec une minimisation de l’effet d’aubaine); la fixation de critères d’éligibilité clairs et logiques assortis de contraintes écologiques et d’efficience énergétique etc.

3.       la promotion de formes de production à forte intensité de main d’oeuvre (création “d’emplois verts”) et d’infrastructures de commercialisation et de traitement pour les produits régionaux, surtout dans le domaine de l’agriculture biologique;

4.      l’introduction judicieuse – du point de vue protection de la nature et de l’eau – des directives européennes en matière de “greening”, accompagnée de l’interdiction de produits pesticides et fertilisants pour l’ensemble des sols à écopotentialité importante ainsi qu’une interdiction généralisée de labourer les prairies à haute valeur en termes de protection de la nature. La prime à l’entretien du paysage et de l’espace naturel devrait présupposer l’existence d’une part minimale de 5% en éléments naturels à préserver sur l’ensemble de la surface exploitée, dont 2% au moins en éléments structurels. Les exploitants allant au-delà de cette condition minimale devraient pouvoir bénéficier d’une aide supplémentaire.

5.      les mesures agroenvironnementales devraient s’orienter d’après les objectifs du plan national concernant la protection de la nature, respectivement de la gestion de l’eau, ce qui présuppose une plus grande concertation entre le ministère de l’Agriculture et le Ministère de l’Environnement. Le financement des plans de gestion des sites Natura2000 devrait se faire dans le cadre du PDR.

6.      il faut investir davantage dans l’agriculture biologique, notamment en ce qui concerne les primes allouées dans le cadre des terres cultivées et des prairies. La perte d’attrait que l’on constate actuellement dans le domaine de l’agriculture biologique dû au cumul des mesures agroenvironnementales, doit être freinée. Une série de mesures concrètes devraient contribuer à atteindrel’objectif qui consiste à atteindre 10% en surface réservée à la production agricole biologique d’ici 2020.

7.      l’indemnité de compensation devrait faire l’objet d’un partage équitable et être limitée aux exploitations qui de par leur situation géographique subissent réellement des contraintes ayant une incidence économique; respectivement il faudrait recourir à une réaffectation dans le cadre de mesures agroenvironnementales concrètes ou encore permettre l’exploitation des habitats Natura 2000.

8.       l’efficience énergétique des ressources, la protection du climat et l’adaptation climatique (p.ex. l’introduction du « bonus fumier », l’exploitation extensive des prairies, le développement d’une stratégie nationale sur les protéines ou encore la promotion des cultures et de la revalorisation de légumineux) devraient être thématisées de manière bien plus appuyée dans le cadre de l’élaboration du PDR.

La réalisation de l’objectif double du PDR énoncé plus haut présuppose un certain nombre de réallocations financières, dans le respect des directives européennes, et notamment:

  • (idéalement) une redistribution de 15% (sinon un minimum de 10% au moins) de ce qu’on appelle capital du 1er pilier de financement (paiements directs) vers le capital du 2ème pilier (développement rural);
  • un plafonnement de l’aide à l’investissement à 25% de l’état du PDR;
  • une allocation restrictive de l’indemnité compensatoire (prairies permanentes uniquement) et
  • la soumission de 15% de l’indemnité de compensation à la condition du respect strict de certaines mesures agroenvironnementales.

Notre organisation espère que ces propositions constructives puissent trouver une oreille ouverte du côté des acteurs prenant part aux délibérations dictées par l’UE en vue de l’adaptation du PDR. Nous vous serions très obligés si vous acceptiez, à brève échéance, d’examiner en détail avec nous lesdites suggestions.