Protection de la nature Agriculture et Sylviculture
  • Print Friendly


Reclassement du potentiel site de Google : le Mouvement Écologique introduit une réclamation auprès du Ministère de l’Intérieur

Communiqué de presse actuel

Ce jeudi 11 juillet 2019, le Mouvement Écologique a introduit une réclamation auprès du Ministère de l’Intérieur dans le cadre de la procédure de reclassement d’une zone de près de 35 ha en « zone spéciale Datacenter » décidé par le conseil communal de Bissen.

L’objection, rédigée par l’avocat de l’organisation Me Thibault Chevrier, repose principalement sur cinq arguments, le premier portant sur la non-conformité avec la loi concernant l’aménagement communal et le développement urbain (2004). En décidant de reclasser le site en « zone spéciale Datacenter », les auteurs ont en effet omis des précisions nécessaires pour justifier que le site convenait à la désignation spécifique qui lui était attribuée, en l’occurrence l‘implantation d’un centre de données de cette ampleur. Pour le Mouvement Écologique, ceci est en contradiction flagrante avec la loi, qui dispose qu’une zone spéciale peut être déterminée « exceptionnellement, si les caractéristiques ou les particularités du site l’exigent (…) ». Or, la question de savoir si un approvisionnement suffisant en eau à des fins de refroidissement était garanti n’a, par exemple, pas fait l’objet de la moindre analyse. Dans ce contexte, il convient également de noter que la Commission d’aménagement de l’État avait, elle-aussi, demandé dans son avis sur le reclassement que tous les aspects environnementaux pertinents soient examinés à un stade précoce de la planification, ce qui n’avait pas été le cas à ce moment, concluant ainsi que le reclassement était contraire aux exigences légales.

En outre, le dossier présenté dans le cadre de la procédure publique était incomplet et donc également contraire aux dispositions de la loi sur l’aménagement communal datant de 2004. L’article 2 de ladite loi dispose clairement que l’aménagement du territoire doit tenir compte de considérations à la fois économiques, environnementales et sociales. Ce faisant, l’accent doit toujours être mis sur l’intérêt général. Or, le dossier soumis présentait d’énormes lacunes, de sorte que le droit des citoyens à une information complète et détaillée a manifestement été violé.

De manière additionnelle, la réclamation déposée pointe le caractère critiquable de l‘argument selon lequel il suffirait de fournir des informations détaillées (p.ex. sur la consommation d’eau) dans une phase ultérieure de planification et d’approbation (que ce soit dans le cadre du PAP ou de la procédure commodo-incommodo).  Selon le Mouvement Écologique, le reclassement opérerait d’ores et déjà une pré-validation des activités qui seraient exercées sur ce site spécifique en tant que  « zone spéciale », dès lors les informations cruciales et utiles doivent absolument être présentées publiquement au moment du vote portant sur la modification du PAG, et non pas ultérieurement, dans le cadre d’une phase de planification en aval, qui pourrait difficilement remettre en question la situation créée sur base d’informations lacunaires. Il faut encore souligner que le public n’a (intentionnellement ?) pas eu accès à des études qui étaient mentionnées dans le dossier de modification du PAG et qui auraient par conséquent dû être accessibles aux citoyen/nes dans le cadre de la procédure publique, notamment des études concernant l’approvisionnement énergétique ou la présence d’espèces protégées (chauve-souris). Malgré plusieurs demandes en ce sens, le Mouvement Écologique n’a pas obtenu, à ce jour, une communication de ces études.

Enfin, les exigences élémentaires en termes d‘évaluation stratégique de l’impact sur l’environnement n’ont manifestement pas été respectées. Celles-ci présupposent clairement une analyse détaillée d‘aspects tels l’approvisionnement en eau/l’évacuation des eaux, l’utilisation des sols, la mobilité, etc. L’évaluation environnementale était dès lors à qualifier de très lacunaire.  Dans le même ordre d’idées, un reclassement, respectivement un « choix stratégique », portant sur un tel site et reposant sur une pareille argumentation, serait inadmissible.

Last but not least, l’opposition introduite souligne l’absence d’études resp. de scénarios environnementaux significatifs. Ceci est particulièrement vrai pour tout ce qui touche au domaine de la gestion de l’eau (besoin en eau de refroidissement, problème de l’évacuation des eaux dans le fleuve de l’Alzette, etc.). La réclamation introduite par le Mouvement Écologique fait notamment référence à deux documents relativement récents du Ministère de l’Environnement, respectivement de l’Administration de la gestion de l’eau. Tant une analyse présentée en 2018 que le récent projet de (3ème) plan de gestion de l’eau indiqueraient en détail que le Luxembourg serait amené – à moyen et à long terme – à lutter contre de graves problèmes d’approvisionnement en eau.

Ceci s’explique pour des raisons de réchauffement climatique et de besoins en eaux croissants, face à un développement démographique et un essor économique importants. Ces constats sont établis et ce même dans le cas où des efforts considérables seraient déployés pour économiser l’eau. Si les besoins en eau de Google () devaient se concrétiser, les incidences sur l’environnement en seraient aggravées alors qu’elles n’ont pas été prises en compte au niveau de ces récentes études…

Ainsi, pour le Mouvement Écologique, cela signifie concrètement que – même sans Google, dont la consommation est estimée à un équivalent évalué à 5-10% de la consommation nationale – le Luxembourg est déjà confronté à de graves problèmes d’approvisionnement en eau. Avec Google, trouver une solution s’avérera nécessairement encore plus délicat et cette question nécessite une enquête approfondie en vue de trouver les pistes adaptées qui permettront de prendre une décision, en connaissance de cause. Cette enquête aurait donc déjà dû être réalisée au stade de la modification du PAG afin d’éviter, pour reprendre les termes de la Ministre de l’Environnement, « l’approche de léguer le déminage des conflits éventuels aux étapes procédurales subséquentes » qui « est à l’encontre de la philosophie de l’évaluation environnementale stratégique qui constitue le cadre permettant de clarifier et de considérer les aspects de la santé humaine à un stade suffisamment précoce et d’une manière plus flexible (…) » .

La conclusion de l’opposition introduite par le Mouvement Écologique est catégorique : un reclassement du site — sur la base des documents mis à disposition des citoyens et révélant le caractère insatisfaisant et incomplet des études réalisées — serait absolument inacceptable. Le Ministère de l’Intérieur est donc invité à ne pas approuver la demande de modification du PAG.